La fascination dystopique

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L’ESSENTIEL

Directement en lien avec le doomisme, on observe une véritable fascination de nos sociétés pour la « dystopie ». La production cinématographique en est le parfait exemple : il suffit de compter le nombre de films dépeignant un futur cauchemardesque et ceux qui esquissent un futur désirable.

Pour Samuel Dock, psychologue clinicien (voir l’article dans le Huffpost du 10/10/ 2019), le scénario dystopique met en scène une envie de rébellion : chaque dystopie a pour point commun d’opposer une entité sociale persécutrice et un être inféodé, assigné à une place, qui va tout faire pour se libérer de cette oppression. Dans le cas de “La Servante écarlate”, l’héroïne, June, tente par tous les moyens de s’extraire de Gilead et quand ce n’est pas par une tentative de fuite, c’est par sa résistance mentale aux oppresseurs.

Cependant, nous pensons que cette approche est très incomplète.

Plus largement, les dystopies permettent d’explorer les peurs et les préoccupations contemporaines. Elles peuvent servir à formuler des messages critiques : en forçant le trait, en grossissant les phénomènes d’oppression déjà présents, elles nous alertent sur des risques bien réels. Elles interrogent la nature humaine et nos réactions face à l’adversité.

Elles permettent aussi, dans un registre de « conjuration » de maintenir « l’épouvantable » à distance , en le donnant à voir, à lire, mais « contenu » en quelque sorte dans une fiction. Les œuvres dystopiques offrent une forme de catharsis, un concept emprunté à la tragédie grecque, où le public vit une purification de ses émotions à travers l’expérience de la peur et de la pitié. En se confrontant aux pires scénarios, les spectateurs et les lecteurs peuvent libérer leurs propres peurs et anxiétés, ce qui peut avoir un effet apaisant (jusqu’à ressentir un sentiment de sécurité relative : « heureusement, nous n’en sommes pas encore là »).

De la fonction de la dystopie dans l’imaginaire contemporain. Réflexions autour de La servante écarlate

La servante écarlate est un roman dystopique, à l’origine de la série du même nom actuellement diffusée sur Hulu avec E. Moss, qui relate la chute de la fécondité qui mène à l’instauration d’une dictature religieuse où les femmes encore fertiles sont asservies. Margaret Atwood y explore avec finesse les possibilités offertes par le genre de la dystopie. Ce roman permet notamment de saisir avec précision les rouages qui amènent et maintiennent au pouvoir les totalitarismes. Il offre également un éclairage essentiel sur certains traits de notre humanité, entre peur, adaptation et courage. Notre propos cherchera à indiquer les différents niveaux de lecture et les liens étroits, presque intimes, qui se tissent entre ces couches de l’objet littéraire et la philosophie éthique.

Lire l’article (CAIRN)

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