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L’ESSENTIEL
En 2009, une équipe internationale menée par Johan Rockström du Stockholm Resilience Centre et Will Steffen de l’Université nationale australienne, publie un article dans les revues Nature et Ecology and Society, dans lequel elle identifie neuf limites planétaires (planetary boundaries) à ne pas dépasser si l’humanité veut pouvoir se développer dans un écosystème sûr, c’est-à-dire évitant les modifications brutales, non-linéaires, potentiellement catastrophiques et difficilement prévisibles de l’environnement.
En 2009, les auteurs considèrent alors que les seuils sont dépassés pour trois des sept limites pour lesquelles ils proposent des valeurs limites (deux limites n’étant pas « chiffrées »), en matière de volume émis ou extrait de l’environnement : concentration atmosphérique en CO2 supérieure à 350 ppm, taux actuel d’extinction planétaire 100 à 1 000 fois supérieur à ce qui serait un taux limite inférieur à 10 espèces par an sur un million, Perturbation des cycles biochimiques de l’azote et du phosphore.
Le Secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon entérine le concept de limites planétaires le 16 mars 2012, tout en présentant les points clés du rapport de son « Groupe de haut niveau sur la durabilité mondiale » à une session plénière informelle de l’Assemblée générale des Nations Unies.
Lire l’étude de Rockström, J., et al : « Un espace d’action sécurisé pour l’humanité » : https://www.ecologyandsociety.org/vol14/iss2/art32/
La conclusion de l’étude de 2009
« Il existe, jusqu’à ce que nous ayons déterminé dans ce document de preuve de concept, neuf limites planétaires. À condition que celles-ci ne soient pas transgressées pendant trop longtemps, l’humanité semble avoir la liberté de manœuvrer dans la poursuite du développement social et économique à long terme à l’intérieur du domaine de stabilité fourni par la résilience observée du système terrestre à l’Holocène.
Un cadre de limites planétaires représente un nouveau défi pour la science du système terrestre et peut avoir des impacts profonds sur la gouvernance environnementale, des échelles locales aux échelles mondiales. Cependant, de nombreuses lacunes de connaissances subsistent pour mettre en œuvre un cadre de limites planétaires. Comme indiqué pour plusieurs limites, elles présentent une variabilité spatiale et une fragmentation tant en termes d’impacts (de transgression d’un niveau de limite) que de mécanismes de rétroaction, ce qui peut nécessiter une approche élargie combinant à la fois des estimations de limites globales et régionales. De plus, nous ne sommes en mesure de quantifier que trois avec une certaine confiance. Quatre sont des suggestions provisoires, certaines d’entre elles n’étant que nos meilleures suppositions basées sur l’état actuel des connaissances. Transgresser une limite peut, en outre, menacer sérieusement la capacité de rester dans des niveaux sûrs pour d’autres limites. Cela signifie qu’aucune limite ne peut être transgressée pendant de longues périodes sans compromettre l’espace opérationnel sûr pour l’humanité. L’humanité doit donc devenir un gardien actif de toutes les limites planétaires – les neuf identifiées dans ce document et d’autres qui pourraient être identifiées à l’avenir – afin d’éviter le risque de perturbations sociales et environnementales désastreuses à long terme.
Les lacunes de connaissances sont préoccupantes. Il est urgent d’identifier les seuils du système terrestre, d’analyser les risques et les incertitudes, et, en appliquant un principe de précaution, d’identifier les limites planétaires pour éviter de franchir de tels seuils indésirables. Les paradigmes actuels de gouvernance et de gestion sont souvent inconscients ou manquent d’un mandat pour agir sur ces risques planétaires (Walker et al. 2009), malgré les preuves d’une accélération des pressions anthropiques sur les processus biophysiques du système terrestre. De plus, le cadre des limites planétaires présenté ici suggère la nécessité d’approches de gouvernance nouvelles et adaptatives à l’échelle mondiale, régionale et locale (Dietz et al. 2003, Folke et al. 2005, Berkman et Young 2009).
Notre analyse préliminaire indique que l’humanité a déjà transgressé trois limites (changement climatique, taux de perte de biodiversité et taux d’interférence avec le cycle de l’azote). Il existe une incertitude significative concernant la durée pendant laquelle les limites peuvent être transgressées avant de causer des changements environnementaux inacceptables et avant de déclencher des rétroactions qui pourraient entraîner le franchissement de seuils réduisant considérablement la capacité de revenir à des niveaux sûrs. Les rétroactions rapides (par exemple, la perte de la glace de mer arctique) semblent déjà avoir été déclenchées après avoir transgressé la limite climatique pendant quelques décennies. Les rétroactions lentes (par exemple, la perte de calottes glaciaires terrestres) opèrent sur des périodes de temps plus longues. Malgré l’élimination progressive des émissions de CFC et le fait que les trous dans la couche d’ozone n’ont pas dépassé les régions des vortex polaires, qui sont restées largement intactes, les trous d’ozone au-dessus des régions polaires diminueront lentement au cours des cinquante prochaines années.
Il ne fait cependant guère de doute que les complexités des processus et rétroactions lentes et rapides interconnectés dans le système terrestre présentent à l’humanité un paradoxe difficile. D’une part, ces dynamiques sous-tendent la résilience qui permet à la planète Terre de rester dans un état propice au développement humain. D’autre part, elles nous plongent dans un faux sentiment de sécurité car le changement incrémentiel peut conduire au franchissement inattendu de seuils qui poussent le système terrestre, ou des sous-systèmes significatifs, brusquement dans des états préjudiciables voire catastrophiques pour le bien-être humain. Le concept de limites planétaires fournit un cadre pour que l’humanité opère dans ce paradoxe ».