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L’ESSENTIEL
la rupture avec la logique de profit doit être assumée. Si nous voulons une « économie économe », si nous souhaitons mettre fin à l’obsolescence programmée (avec des objets durant le plus longtemps possible), le constat est sans appel : cela ne peut être compatible avec un monde d’entreprises mises en concurrence les unes avec les autres. La concurrence, c’est la course à la rentabilité, aux parts de marchés, à l’innovation pour l’innovation, à la vente de tout et n’importe quoi pourvu que le chiffre d’affaire s’en ressente ! C’est la course à la croissance pour rembourser les emprunts qui ont financé les « innovations ». Si vous mettez fin à la concurrence, vous sortez de facto de ce que l’on appelle « le capitalisme ». Enfin, ce n’est pas seulement la loi du marché qui est un frein à des changements qui se traduiraient par une baisse des marges de profits insupportable pour les actionnaires. Bien plus fondamentalement que l’autonomie relative du système financier, c’est une question de propriété : celles et ceux qui possèdent les moyens de production et de distribution visent l’enrichissement personnel, à court terme et au dépend de l’intérêt commun.
La question est ensuite de savoir quel système économique serait désirable.
Il ne peut être question de verser dans une économie dirigée par un Etat tentaculaire (ce qui s’est toujours traduit par ce que l’on nomme un « capitalisme d’Etat »). L’alternative serait une économie coopérative, dont les instances de régulation serait assurée par des citoyens élus. Tout un programme !
Imaginer un nouvel « ordre économique » est un exercice difficile autant que périlleux. Ce travail d’utopie, au noble sens du terme, doit rester une invitation à réfléchir et débattre ensemble des meilleures solutions pratiques, à expérimenter, et à trouver les indispensables compromis entre liberté individuelle et responsabilité collective. Il est contraint par les limites planétaires, les actions d’adaptation qui seront vitales, au sens propre, les actions d’atténuation et donc de sobriété pour tenter de préserver la possibilité d’un monde vivable.
A la différence des pérégrinations utopistes du passé (« trouver le système parfait d’émancipation totale !), le processus d’élaboration d’un nouvel imaginaire (et d’un nouveau contrat social économique, de production, d’échange et de distribution des biens et services), peut s’ancrer dans les pratiques et initiatives actuelles qui fleurissent sur les territoires, dans toute leur diversité.
En définitive, c’est un appel à penser le « post-Anthropocène », une Ere qui se caractériserait par la diminution drastique de l’empreinte de l’Homme sur son milieu.
Partout, nous devons donc redéfinir ce que nous voulons produire (via quelles organisations du travail ?) et comment nous entendons répartir (justement) ces productions, sur la base non pas de la compétition et de la concurrence (en stoppant cette folie pathétique et suicidaire du « je veux être leader son mon marché » !) mais de l’entraide, de la mutualisation des moyens, de la coopération. En l’absence d’une révolution culturelle, impliquant de profonds changements de modes de vie et de relations sociales, toute réflexion sur un nouveau « mix énergétique » apparaît dénuée de sens. Toutes les actions pour développer des processus de production dits « éco-responsables » resteront des gesticulations sans avenir.
Pour finir, il nous faut préciser une chose importante, essentielle même.
Si l’hypothèse de l’impossibilité d’une telle transformation de cette nature se confirme (et le faisceau de présomption est épais !), cette réflexion ne sera pas inutile, au contraire. Car, continuer sur le « business as usual », il faut bien le comprendre, n’a qu’une issue possible : un éco-collapse majeur, l’effondrement des structures de notre modèle civilisationnel (à compter que le vocable de « civilisé » puisse encore avoir une signification !), et donc l’effondrement des économies capitalistes.
Tous les cogito sur le monde d’après nous serviront. Appuyés sur toutes les initiatives de bifurcation en cours, ils permettront d’offrir de nouvelles perspectives pour reconstruire sur les ruines, dans un monde qui sera devenu, certes, extrêmement difficile mais dans lequel, justement, la clé de voûte ne pourra être que l’entraide.
Éliminer la pauvreté en regardant au-delà de la croissance – Rapport du Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté, Olivier De Schutter
Résumé
L’approche dominante en matière de lutte contre la pauvreté repose sur une
augmentation de la production économique globale (mesurée par le produit intérieur brut (PIB)), conjuguée à une redistribution postmarché au moyen d’impôts et de transferts. Or, selon le Rapporteur spécial, on fait actuellement fausse route en se focalisant sur l’augmentation du PIB, qui n’est pas une condition préalable à la réalisation des droits humains ou à l’élimination de la pauvreté et des inégalités. Le « croissancisme » ne devrait pas nous détourner de l’impérieuse nécessité de fournir davantage de biens et de services propres à améliorer le bien-être et de réduire la production de tout ce qui est superflu, voire toxique. Tant que l’économie restera principalement orientée vers une maximisation des profits, elle répondra à la demande exprimée par les groupes les plus riches de la société, favorisera des formes extractives de production qui aggravent l’exclusion sociale au nom de la création de richesses et ne permettra pas aux personnes pauvres d’exercer leurs droits. La transition d’une économie orientée par la recherche de profits vers une économie orientée par les droits humains est non seulement possible, mais elle est même nécessaire si l’on veut rester dans les limites planétaires. Dans le présent rapport, le Rapporteur spécial explique les raisons pour lesquelles cette transition est nécessaire et ce à quoi elle pourrait ressembler.
La décroissance impliquerait-elle le retour à l’âge de la bougie ? (The Conversation, avril 2025)
Le « jour du dépassement » a été atteint le 19 avril dernier. Diminuer le produit intérieur brut (PIB) pour faire disparaître ce dépassement écologique n’impliquerait pas de retourner à l’âge de la bougie. C’est ce que conclut une étude appliquée à la France et à l’Allemagne. Le PIB par habitant soutenable d’aujourd’hui correspondrait à un niveau observé dans les années 1960. Tout en gardant les technologies actuelles.