Le rêve de la « voiture électrique » pour toutes et tous ?

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Tout d’abord, l’étape de la fabrication. Produire un véhicule électrique demande beaucoup plus d’énergie, et émet deux fois plus de gaz à effet de serre que de produire un véhicule thermique, du fait de la production de sa batterie et de sa motorisation. Un rapport de 2018 de l’Agence européenne pour l’environnement le constate : les émissions de NOx, SO2 et particules de la production des véhicules électriques sont 1,5 à 2 fois supérieures à celles des véhicules thermiques.

Une autre étude, effectuée en 2020, analyse le cycle de vie d’une Caddy Volkswagen électrifiée en laboratoire, et le compare méthodiquement aux émissions induites par le même modèle à essence.

Selon les conclusions de l’étude, tout dépend, ou presque, de la « provenance » de l’énergie utilisée : « si l’e-caddy converti – dont la batterie de 25,9 kWh a été produite à partir de l’énergie éolienne – est chargé uniquement avec de l’électricité verte pendant sa durée de vie, la voiture électrique est « plus propre » que son homologue à carburant fossile après seulement 17 000 kilomètres (…). Un véhicule avec une batterie deux fois plus grande (51,8 kWh) peut atteindre des valeurs comprises entre 20 000 (batterie éolienne) et 35 000 kilomètres (batterie charbon) jusqu’à l’équilibre lorsqu’il est chargé avec de l’électricité verte. En revanche, si la charge est effectuée avec un mix électrique correspondant à peu près à la moyenne européenne actuelle, même une voiture avec une petite batterie n’atteindra l’équilibre qu’au bout de 50 000 kilomètres, selon que l’on envisage ou non une utilisation de seconde vie. Un véhicule électrique avec une batterie de 51,8 kWh, produite à partir d’électricité au charbon et chargée avec le mix électrique « sale », n’atteint l’équilibre qu’au bout de 310 000 kilomètres ».

Une étude publiée par l’ICCT, en juillet 2021, souligne néanmoins l’intérêt (relatif) du véhicule électrique. Cette étude est une analyse du cycle de vie (ACV) des émissions de GES des voitures particulières en Chine, en Europe, en Inde et aux États-Unis. Elle prend en compte les types de groupes motopropulseurs les plus pertinents – les véhicules à moteur à combustion interne (ICEV), y compris les véhicules électriques hybrides (HEV) ; les véhicules électriques hybrides rechargeables (PHEV) ; les véhicules électriques à batterie (BEV) ; et les véhicules électriques à pile à combustible (FCEV) – ainsi qu’une variété de types de carburant et de sources d’énergie, notamment l’essence, le diesel, le gaz naturel, les biocarburants, les e-carburants, l’hydrogène et l’électricité.

Selon les auteurs : « pour les voitures moyennes neuves de taille moyenne, l’évaluation révèle que les émissions sur le cycle de vie des véhicules électriques à batterie immatriculés aujourd’hui en Europe, aux États-Unis, en Chine et en Inde sont déjà inférieures à celles d’une voiture à essence comparable de 66 à 69 % en Europe, de 60 à 68 % aux États-Unis, de 37 à 45 % en Chine et de 19 à 34 % en Inde. Pour les voitures de taille moyenne qui devraient être immatriculées en 2030, à mesure que le mix électrique continue de se décarboner, l’écart des émissions sur le cycle de vie entre les véhicules électriques à batterie et les véhicules à essence augmente pour atteindre 74 à 77 % en Europe, 62 à 76 % aux États-Unis, 48 ​​à 64 % en Chine et 30 à 56 % en Inde. Comme l’indique la figure, une grande incertitude réside dans la manière dont le futur mix électrique se développera dans chaque région ».

Si nous pouvons comprendre que le véhicule électrique est, en prenant l’ensemble du cycle de vie, moins émetteur de gaz à effet de serre (de 3 à 4 fois moins en fonction du développement des énergies renouvelables ?), nous pouvons douter de la pertinence du propos selon lequel le simple remplacement de tous les véhicules à moteur thermique par des véhicules électriques (le « un pour un ») permettrait de respecter les objectifs de l’accord de Paris. En sachant par ailleurs que cet accord nous emmène vers un monde à + 3 degrés (à minima).

Par ailleurs, nous savons que les français (pour ne parler que d’eux) effectuent pas moins de 623 milliards de kilomètres par an (oui, vous avez bien lu, source, chiffres 2019). Si nous remplacions toutes les voitures actuellement en circulation en France, en conservant le même nombre de kilomètres parcourus, par les petites fiat 500 cela aboutirait à une consommation annuelle finale de 6,23 milliards x 16 kwh, soit 100 milliards de kwh (100 Twh !). Et cela nécessiterait donc de construire pas moins de 15 réacteurs nucléaires supplémentaires !

Mais, de plus, il faut tenir compte de l’empreinte matière (le lithium, nickel, manganèse et cobalt des batteries). Une batterie de voiture électrique contient entre 3 et 5 kilos de lithium. Si l’on multiplie 5 kg par le nombre de voitures en circulation (39 millions), nous aurions donc besoin de 195 000 tonnes de lithium. Les réserves mondiales prouvées de lithium étaient estimées à 22 Mt (mégatonnes) fin 2021 (Institut d’études géologiques des États-Unis, USGS). La seule consommation de lithium de la France pour fabriquer son nouveau parc serait égale à 0.88 % des réserves mondialement connues. Et vu que la population française représente 0.85% de la population mondiale, elle aurait déjà consommer plus que la totalité de son « quota » (très théorique). Il ne resterait donc plus un seul gramme de lithium pour les autres usages (batteries solaires pour les équipements des maisons).

Enfin , le flot de circulations de voitures électriques exige de pharamineuses infrastructures. Il faut un nouveau réseau électrique pour les bornes de recharge : environ 4 millions de bornes (une pour dix véhicules, les autres points de recharge étant au domicile ou sur le lieu de travail). Il faut compter 100 kilos de cuivre par borne, soit 400 000 tonnes de cuivre en plus (auxquels il faudra rajouter le réseau de câbles !)…

Il faudra toujours autant de routes (qui exigent du pétrole) et les entretenir.. Il y a le coût des accidents (avec les dégâts matériels et humains). A tout cela correspondent des quantités d’énergies colossales.

Les biocarburants : cela ne « passe » pas non plus !

L’UE gaspille des terres de la taille de l’Irlande sur les biocarburants, ratant d’énormes opportunités pour lutter contre le changement climatique, la perte de biodiversité et la crise alimentaire mondiale.

Voir lEtude publiée le 9 mars 2023, Transport & Environment

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