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L’ESSENTIEL
Chacun a entendu parler du glyphosate. Mais il existe des centaines de produits « phytosanitaires » (appellation certainement adoptée pour des raisons de marketing !).
Les pesticides sont partout dans l’environnement : l’eau, les sols, les aliments mais également dans l’air que nous respirons. Souvent associés au secteur agricole, les pesticides sont également employés pour des usages non agricoles tels que les entretiens de voiries, des espaces verts, de terrains de sport… (source).
Malgré leur interdiction, certains pesticides persistent dans l’environnement des années après leur interdiction. C’est par exemple le cas du lindane, interdit d’utilisation agricole depuis 1998 et comme biocide depuis 2006, qui a une très forte persistance dans l’environnement (ibid).
Il existe trois familles de pesticides :
- les herbicides contre les « mauvaises » herbes.
- les fongicides contre les champignons.
- les insecticides contre les insectes.
De lourdes conséquences pour l’environnement
Diminution de la fertilité des sols :
Les pesticides peuvent tuer des organismes bénéfiques dans le sol, tels que les vers de terre, les champignons mycorhiziens, et d’autres micro-organismes essentiels à la santé du sol. Cela peut entraîner une diminution de la fertilité des sols et une réduction de la capacité de rétention d’eau.
Pollution de l’eau :
Les pesticides appliqués aux cultures peuvent être emportés par les pluies et s’infiltrer dans les nappes phréatiques ou ruisseler vers les rivières, les lacs, et les océans. Cela conduit à la contamination des sources d’eau douce et marine, affectant les écosystèmes aquatiques.
Bien que principalement causée par les nutriments, l’usage de certains pesticides contribue également à l’eutrophisation des eaux, favorisant la croissance excessive d’algues et perturbant les écosystèmes aquatiques.
Toxicité pour la faune :
Les pesticides, en particulier les néonicotinoïdes, sont fortement impliqués dans le déclin des populations d’abeilles et d’autres insectes pollinisateurs, essentiels à la reproduction des plantes. Cela affecte non seulement la biodiversité, mais aussi la production agricole dépendante de la pollinisation.
Les pesticides qui atteignent les écosystèmes aquatiques peuvent être toxiques pour les poissons, les amphibiens, les mollusques et d’autres organismes aquatiques, perturbant ainsi les chaînes alimentaires et les écosystèmes.
Les animaux prédateurs ou charognards qui consomment des proies contaminées par des pesticides peuvent être affectés, entraînant des effets négatifs sur les populations de rapaces, de mammifères et d’autres carnivores.
Déséquilibre des écosystèmes :
L’usage intensif de pesticides peut réduire la diversité des espèces dans les écosystèmes, en éliminant non seulement les espèces cibles (ravageurs), mais aussi des espèces non-cibles, incluant des prédateurs naturels des ravageurs, des pollinisateurs, et d’autres organismes bénéfiques.
L’utilisation répétée des mêmes types de pesticides peut entraîner la sélection de ravageurs résistants, nécessitant l’emploi de doses plus élevées ou de pesticides plus toxiques, aggravant ainsi les impacts environnementaux.
Perturbation des cycles biogéochimiques
Les pesticides peuvent perturber les cycles naturels du carbone, de l’azote, et d’autres nutriments dans les écosystèmes, affectant la décomposition, la respiration des sols, et d’autres processus écosystémiques critiques.
Destruction des populations d’oiseaux :
Les pesticides peuvent affecter directement les populations d’oiseaux en provoquant une mortalité immédiate ou des effets sublétaux, tels que des troubles reproductifs, des malformations, ou des modifications du comportement. Les oiseaux insectivores sont particulièrement vulnérables en raison de la réduction de leurs sources de nourriture.
Certains pesticides, comme les organochlorés, peuvent s’accumuler dans la chaîne alimentaire et atteindre des concentrations élevées dans les oiseaux de proie, entraînant des effets toxiques graves, y compris des troubles de la reproduction et la fragilité des coquilles d’œufs.
Perturbation des écosystèmes aquatiques :
Les pesticides qui atteignent les systèmes aquatiques peuvent réduire les populations de zooplancton, qui sont une source de nourriture essentielle pour de nombreux poissons et autres organismes aquatiques.
L’introduction de pesticides dans les systèmes aquatiques peut entraîner un changement dans la composition des communautés biologiques, favorisant certaines espèces résistantes au détriment d’autres, et perturbant les équilibres naturels.
Dégradation des zones humides et des écosystèmes sensibles :
Les zones humides, qui jouent un rôle crucial dans la filtration de l’eau, la régulation des inondations et la fourniture d’habitats, peuvent être particulièrement vulnérables aux pesticides, qui peuvent altérer ces écosystèmes et réduire leur capacité à remplir leurs fonctions écologiques.
De graves impacts sur la santé humaine
Exposition de toutes les populations
Comme le note l’INSERM : « Les données disponibles sur la contamination environnementale font état de la présence généralisée de pesticides ou de leurs métabolites et produits de dégradation sur le territoire. Les sources de contamination sont multiples : traitement des cultures, des animaux ou des bâtiments d’élevage ou de stockage dans le secteur agricole qui est le principal consommateur de pesticides en France (90 % des quantités vendues), leur utilisation non agricole dans le cadre de l’entretien des infrastructures de transport (routes, chemins de fer, aéroports…), les usages domestiques (antiparasitaires, lutte contre les insectes…), le traitement des bois…« .
Les études
Il existe déjà de nombreuses études, que ce soit concernant l’exposition des travailleurs agricoles ou celle des consommateurs (sur des doses beaucoup plus faibles et sur un temps long).
A Toulouse, le laboratoire Toxalim de l’INRA a montré les effets néfastes des pesticides sur la santé humaine (octobre 2019). une combinaison de 6 pesticides utilisés pour le traitement de vergers de pommiers a été injectée à un échantillon de souris.
Les résultats néfastes sur leur santé ont été mis en évidence après seulement 6 mois d’expérimentation : une prise de poids, une augmentation des tissus adipeux, diabète, perturbations hépatiques (qui touchent le foie).
Selon la Direction générale de l’Alimentation, « 60 000 échantillons de denrées animales et 1 000 échantillons de denrées végétales sont prélevés et analysées chaque année. La non-conformité est constatée dans moins de 10% des produits, ce qui peut résulter d’un dépassement des LMR (limites maximales de résidus), soit de résidus d’une substance interdite. »
En 2021, une équipe de 12 chercheurs de l’INSERM a publié une vaste méta-analyse, actualisant celle datant de 2013. Elle s’appuie sur pas moins de 5 300 études épidémiologiques et toxicologiques publiées entre 2013 et 2020.
Pour la population générale, exposée aux pesticides principalement par l’alimentation, il est difficile de déterminer l’effet de ces substances omniprésentes, mais à des doses très faibles, et de le distinguer des autres causes possibles de maladies. Les études sont donc largement non concluantes (source). Néanmoins, pour les auteurs, « Les études épidémiologiques sur les cancers de l’enfant permettent de conclure à une présomption forte de lien entre l’exposition aux pesticides de la mère pendant la grossesse (exposition professionnelle ou par utilisation domestique) ou chez l’enfant et le risque de certains cancers, en particulier les leucémies et les tumeurs du système nerveux central » (passages soulignés par nous).
Le cas du glyphosate
Dès 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) l’avait classé cancérogène probable, en s’appuyant sur les études scientifiques publiées à l’époque. Las, l’Agence européenne de sécurité sanitaire, l’Efsa, qui, elle, examine principalement les études produites par les industriels, a estimé début juillet que l’herbicide ne présente pas de « domaine critique de préoccupation ». Pourtant, depuis 2017, les chercheurs ont précisé les effets délétères de ce pesticide (source).
En 2019, une méta-analyse, c’est-à-dire une étude scientifique regroupant toutes les données pertinentes et disponibles, a calculé que les personnes travaillant au contact d’herbicide à base de glyphosate — le plus connu étant le Roundup — avaient 41 % de chances supplémentaires de développer un lymphome non hodgkinien (un cancer du système immunitaire). C’est sur la base de cette étude que l’Inserm (Institut national de la santé et la recherche médicale) a décidé, dans une expertise collective en 2021, de faire passer de « faible » à « moyenne » la présomption de lien entre ce type de cancer et l’exposition au glyphosate (ibid).
Plusieurs autres travaux sont à noter :
En lien avec des effets neurodéveloppementaux :
– Bouchard, M. F., Chevrier, J., Harley, K. G., et al. (2011).Prenatal Exposure to Organophosphate Pesticides and IQ in 7-Year-Old Children. Environmental Health Perspectives, 119(8), 1189-1195.
Cette étude examine les effets de l’exposition prénatale aux pesticides organophosphorés (via l’alimentation) sur le développement cognitif des enfants, montrant une association avec une baisse des scores de QI à l’âge de 7 ans.
– Engel, S. M., Wetmur, J., Chen, J., et al. (2011).Prenatal Exposure to Organophosphates, Paraoxonase 1, and Cognitive Development in Childhood. Environmental Health Perspectives, 119(8), 1182-1188.
Cette étude explore l’impact de l’exposition prénatale aux organophosphorés, des pesticides couramment trouvés dans l’alimentation, sur le développement neurocognitif des enfants.
En lien avec les perturbateurs endocriniens :
– Gore, A. C., Chappell, V. A., Fenton, S. E., et al. (2015).EDC-2: The Endocrine Society’s Second Scientific Statement on Endocrine-Disrupting Chemicals. Endocrine Reviews, 36(6), E1-E150.
Ce rapport scientifique examine les preuves concernant les pesticides perturbateurs endocriniens, dont certains sont ingérés par les consommateurs via la nourriture, et leurs effets sur la santé hormonale et le développement.
– Mnif, W., Hassine, A. I., Bouaziz, A., et al. (2011).Effect of Endocrine Disruptor Pesticides: A Review. International Journal of Environmental Research and Public Health, 8(6), 2265-2303.
Cette revue synthétise les effets des pesticides perturbateurs endocriniens consommés par l’alimentation, notamment leur impact sur la reproduction et les déséquilibres hormonaux.
En lien avec les risques de cancer :
– Alavanja, M. C., Ross, M. K., Bonner, M. R. (2013).Increased Cancer Burden Among Pesticide Applicators and Others Due to Pesticide Exposure. CA: A Cancer Journal for Clinicians, 63(2), 120-142.
Si cette étude traite en partie des applicateurs de pesticides, elle aborde également les risques accrus de cancer pour la population générale, qui est exposée via les résidus de pesticides dans les aliments.
– Merhi, M., Raynal, H., Cahuzac, E., et al. (2007).Occupational Exposure to Pesticides and Risk of Hematopoietic Cancers: Meta-Analysis of Case-Control Studies. Cancer Causes & Control, 18(10), 1209-1226.
Cette étude examine l’association entre l’exposition aux pesticides (y compris les faibles doses via l’alimentation) et le risque accru de cancers hématopoïétiques.
En lien avec les effets métaboliques et cardiovasculaires :
– García, A. M., Benavides, F. G., Fletcher, T., et al. (1999).Pesticide Exposure and Dementia: Results from the Cartagena (Spain) Dementia Study. Occupational and Environmental Medicine, 56(1), 14-20.
Cette étude explore les effets à long terme de l’exposition aux pesticides, y compris par l’alimentation, sur le risque de démence, bien que l’accent soit en partie sur les travailleurs, les résultats sont également pertinents pour les consommateurs.
– Gore, A. C., Chappell, V. A., Fenton, S. E., et al. (2015).EDC-2: The Endocrine Society’s Second Scientific Statement on Endocrine-Disrupting Chemicals. Endocrine Reviews, 36(6), E1-E150.
Cette étude mentionne également les effets des pesticides perturbateurs endocriniens sur le métabolisme, potentiellement liés à l’obésité et au diabète via l’exposition alimentaire.
L’évaluation des risques des pesticides : entre science et fiction d’action publique, Jean-Noël Jouzel (2020)
Les impacts économiques des perturbations des écosystèmes : coûts de substitution de la lutte biologique contre les ravageurs (Science, Septembre 2024)
Le syndrome du museau blanc a entraîné le déclin des espèces de chauves-souris en Amérique du Nord. Comme les chauves-souris se nourrissent généralement d’insectes nuisibles pour l’agriculture, ce déclin peut être considéré comme une expérience naturelle visant à quantifier les coûts associés à la perte d’un service écosystémique important. Frank a utilisé des méthodes quasi expérimentales pour étudier comment l’utilisation d’insecticides peut compenser la perte de la lutte naturelle contre les ravageurs par les chauves-souris en prenant en compte à la fois les coûts économiques et sanitaires des insecticides (voir le Policy Forum de Larsen et al.). L’utilisation d’insecticides au niveau des comtés et la mortalité infantile due à des causes internes ont toutes deux augmenté après l’émergence du syndrome du museau blanc, tandis que les revenus des cultures des fermes ont diminué. Cette étude fournit un exemple de la façon dont la perte de biodiversité affecte le bien-être humain et présente des méthodes d’observation pour quantifier ces coûts. —Bianca Lopez