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L’ESSENTIEL
Du point de vue écologique, la discipline de l’aménagement du territoire a une « sale histoire ». Pendant longtemps, et d’ailleurs encore aujourd’hui, il signifie – dans la plupart des cas – un développement en faveur de la croissance à tout prix, la construction de nouvelles surfaces commerciales, de nouvelles routes, autoroutes, aéroports…
Un modèle définitivement obsolète
La redirection écologique des territoires va, quant à elle, constituer une toute autre approche, pour, de manière systémique, mettre la priorité sur la préservation et la restauration de « l’environnement », nous dirions du Vivant, avec, entre autres choses, la protection et l’extension des zones naturelles, le développement des transports publics, l’accroissement du degré de résilience alimentaire, une gestion économe de l’eau, ou encore un nouveau désign du territoire pour intégrer les EnR ou pour réduire le « mitage » (dispersion désordonnée des constructions), sans compter l’aménagement des zones « éponges » pour prévenir les inondations… Il va s’agir aussi d’impliquer démocratiquement les habitant.es, en tenant compte des besoins socio-économiques.
La construction des résiliences territoriales, comment ?
Le mot de « résilience » est de plus en plus utilisé, de façon souvent approximative. A l’origine, le terme est employé par le philosophe F. Bacon. Puis c’est la physique qui vient en faire la capacité de résistance d’un corps ou d’un matériau à un choc ou à une déformation. Ensuite, la notion est utilisée en psychologie, médiatisée en France par Boris Cyrulnik. Elle renvoie alors à tous les processus qui consistent, pour un individu, à surmonter un traumatisme psychologique afin de se reconstruire. Par extension, pour une organisation (qu’elle soit une entreprise, un groupe d’individus) la résilience est donc la capacité à s’adapter aux perturbations internes ou externes. On appelle cela la résilience organisationnelle. Idem pour une société entière ou une ville. Ainsi, la « résilience urbaine » cherche à trouver une construction pluridisciplinaire de la ville (utilisant l’architecture, le design, l’écoconception, la construction durable, l’urbanisme, la planification sanitaire, la gestion énergétique, etc.) qui permette aux systèmes urbains d’être plus adaptables, plus résistants aux ruptures de la normalité (qu’il s’agisse d’une pandémie, d’une inondation ou d’une tempête).
Nous voyons pointer le problème… La « résilience » peut alors être le sésame de toutes les politiques d’adaptation qui viseront… à éviter de s’attaquer aux causes ! Il faut donc déjà éviter ce premier écueil.
Ensuite, et bien au-delà d’un arbitrage technicien entre des surfaces savamment recalibrées, la problématique d’une redirection écologique des territoires doit prendre en compte plusieurs aspects et objectifs de transformations sociétales : l’aspect productif, les surfaces nécessaires pour assurer ce dont nous avons besoin, l’aspect social, en visant à réduire les inégalités à tous les niveaux, l’aspect politique, par l’émergence de modes de gouvernance (impliquant clairement les citoyens dans le devenir de leurs lieux de vie, de travail et de loisirs), l’aspect culturel, car vivre autrement, mieux, en produisant moins, implique l’élaboration d’un imaginaire et d’un récit porteur d’espoir et même d’enthousiasme. La multitude d’initiatives prises sur le terrain (fermes partagées, fablabs, cafés alternatifs, Amap et circuits courts, néo artisanat, associations culturelles, entreprises bas carbone, écoresponsables et solidaires, tiers-lieux, Eco-lieux et éco-hameaux, associations citoyennes…) sont – ou pourraient être – les structures socio-économiques locales d’une nouvelle société en gestation, post-thermo-industrielle et post-capitaliste. Et au final, tout cela ne se fera pas sans construire de multiples réseaux de solidarité, d’entraide et de coopération.
Labo Mise en récit(s) : trois questions à Félix Vève, chargé de mission La Traverse (février 2023)
Interview vidéo réalisée par un groupe d’étudiant·es en journalisme à l’Institut de Journalisme Tous Médias (IJTM) et accompagné·es par Territoires-audacieux.fr dans le cadre du « Labo Mise en récit(s) : on ne se raconte pas d’histoires, on les vit » – organisé par le Cerdd et la Fabrique des Transitions le 24 novembre 2022 à Lilliad à Villeneuve-d’Ascq.