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L’ESSENTIEL
Les insectes sont en voie d’extinction, faisant planer la menace d’un « effondrement catastrophique des écosystèmes naturels », selon une synthèse de la littérature scientifique à ce sujet, la première réalisée à l’échelle mondiale, publiée dans la revue Biological Conservation (2019).
Plus de 40 % des espèces d’insectes sont en déclin et un tiers sont menacées, selon l’analyse. Ce taux d’extinction est huit fois plus rapide que celui des mammifères, oiseaux et reptiles.
Selon les meilleures données disponibles, la masse totale d’insectes est en chute libre de 2,5 % par an, ce qui suggère qu’ils pourraient disparaître d’ici un siècle.
Déclin des insectes : l’urgence d’agir (CNRS)
Dans un avis publié le 26 janvier, l’Académie des sciences sonne l’alarme au sujet du déclin des insectes. Explications avec Philippe Grandcolas, directeur de l’Institut de systématique, évolution, biodiversité et co-auteur du rapport scientifique sur lequel s’appuie cet appel.
L’Académie des sciences lance aujourd’hui une alerte au sujet de l’érosion de la biodiversité des insectes dans un avis inédit assorti de recommandations(link is external). De plus en plus décrit et analysé dans les travaux de recherche, ce déclin représente une grave menace pour nos sociétés. Face à l’urgence, toutes les disciplines scientifiques s’unissent désormais pour appeler à agir…
Philippe Grandcolas : C’est en effet une des premières fois que l’Académie des sciences se prononce sur la crise de la biodiversité et prend acte. C’est donc un moment extrêmement important. Jusque-là les cris d’alarme venaient principalement des structures directement liées aux disciplines scientifiques concernées, c’est-à-dire l’écologie et les sciences de l’environnement. Aux yeux de la société, et malgré toute l’expertise adéquate, nous pouvions jusqu’alors être paradoxalement suspects d’exagérer l’importance de notre sujet d’étude. À présent, au regard de l’ensemble des données disponibles, cet avis démontre qu’il existe un large consensus au sein de la communauté scientifique, allant des sciences de l’environnement aux différentes facettes de la biologie, sur la réalité de ce déclin.
[Agriculture 2040] 2. La disparition des insectes. Témoignage d’un naturaliste (1969-2021) Par Vincent Albouy, naturaliste, ancien président de l’Office Pour les Insectes et leur Environnement, auteur de plusieurs ouvrages sur les insectes.
Très longtemps, les effets que pouvaient avoir certaines pratiques agricoles sur la biodiversité, en particulier la destruction des habitats de la faune et les pollutions aux pesticides, n’ont été ni considérés ni évalués. Aujourd’hui de nombreux témoignages rapportent un effondrement des populations d’insectes dans les zones rurales, et suffisamment d’études scientifiques le confirment1. Toute réflexion ou perspective en matière d’agriculture doit prendre en compte ce problème, et c’est pourquoi nous ouvrons le dossier [Agriculture 2040] avec ce texte de Vincent Albouy.
Lorsque, à la fin de la seconde guerre mondiale, des instituts de recherche et laboratoires tant publics que privés du monde entier se sont lancés dans la mise au point de molécules pesticides de synthèse et de leur mode d’application ainsi que de méthodes d’intensification des cultures, la logique aurait voulu que des « points zéros » de la biodiversité soient faits dans les zones où ces produits et méthodes devaient être appliqués afin de pouvoir évaluer leurs effets sur cette biodiversité. À ma connaissance, aucune étude d’envergure de ce genre n’a été effectuée, ou du moins publiée. Ce biais méthodologique n’a été relevé par personne à l’époque, signe du peu d’importance et d’intérêt accordés à l’époque à la biodiversité, ce qui montre que la science validée par les pairs a aussi ses faiblesses.
Déclin mondial de l’entomofaune : un aperçu de ses causes (ScienceDirect, Avril 2019)
Abstract
La biodiversité des insectes est menacée dans le monde entier. Nous présentons ici une analyse complète de 73 rapports historiques sur le déclin des insectes dans le monde entier et évaluons systématiquement les facteurs sous-jacents. Nos travaux révèlent des taux de déclin spectaculaires qui pourraient conduire à l’extinction de 40 % des espèces d’insectes du monde au cours des prochaines décennies. Dans les écosystèmes terrestres, les lépidoptères, les hyménoptères et les coléoptères bousiers (coléoptères) semblent être les taxons les plus touchés, tandis que quatre grands taxons aquatiques (odonates, plécoptères, trichoptères et éphéméroptères) ont déjà perdu une proportion considérable d’espèces. Les groupes d’insectes touchés comprennent non seulement des spécialistes qui occupent des niches écologiques particulières, mais aussi de nombreuses espèces communes et généralistes. Parallèlement, l’abondance d’un petit nombre d’espèces augmente ; il s’agit d’espèces adaptables et généralistes qui occupent les niches vacantes laissées par celles qui déclinent. Parmi les insectes aquatiques, les espèces généralistes en matière d’habitat et de régime alimentaire et les espèces tolérantes aux polluants remplacent les importantes pertes de biodiversité observées dans les eaux en milieu agricole et urbain. Les principaux facteurs de déclin des espèces semblent être, par ordre d’importance : i) la perte d’habitat et la conversion à l’agriculture intensive et à l’urbanisation ; ii) la pollution, principalement celle due aux pesticides et aux engrais de synthèse ; iii) les facteurs biologiques, notamment les agents pathogènes et les espèces introduites ; et iv) le changement climatique. Ce dernier facteur est particulièrement important dans les régions tropicales, mais n’affecte qu’une minorité d’espèces dans les climats plus froids et les zones montagneuses des zones tempérées. Il est urgent de repenser les pratiques agricoles actuelles, en particulier une réduction drastique de l’utilisation des pesticides et leur remplacement par des pratiques plus durables et écologiques, pour ralentir ou inverser les tendances actuelles, permettre le rétablissement des populations d’insectes en déclin et préserver les services écosystémiques vitaux qu’elles fournissent. En outre, des technologies de dépollution efficaces devraient être appliquées pour nettoyer les eaux polluées dans les environnements agricoles et urbains.