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L’ESSENTIEL
Comme le fait le GIEC pour le climat, l’IPBES synthétise la littérature scientifique pour élaborer des « scénarios ». Dans le rapport « Global Assessment Report on Biodiversity and Ecosystem Services » publié en 2019, l’IPBES a présenté plusieurs scénarios à l’horizon 2050 et au-delà, en analysant les conséquences de diverses trajectoires de développement sur la biodiversité et les services écosystémiques. Ces scénarios incluent des projections sur la manière dont différentes politiques et pratiques peuvent influencer les tendances en matière de biodiversité, permettant ainsi aux décideurs de mieux comprendre les choix à long terme nécessaires pour préserver la nature et ses contributions à la société.
Scénario de statu quo (« Business as Usual »)
Dans ce scénario, les tendances actuelles en matière de développement économique, de croissance démographique et de consommation de ressources se poursuivent sans changement majeur. Les politiques de conservation et de gestion de l’environnement restent similaires à celles en place aujourd’hui. Les résultats prévus incluent une dégradation continue de la biodiversité, la perte d’habitats naturels, et une diminution des services écosystémiques essentiels, comme la pollinisation et la régulation climatique.
Dans ce scénario, les conséquences sont les suivantes :
– Perte de biodiversité accélérée : La destruction des habitats naturels, la surexploitation des ressources et la pollution continuent de menacer de nombreuses espèces, augmentant les taux d’extinction.
– Dégradation des services écosystémiques : Les services essentiels tels que la pollinisation, la régulation de l’eau, et le stockage du carbone sont gravement compromis, affectant l’agriculture, la sécurité alimentaire et le climat.
– Augmentation des risques pour la santé humaine : La diminution de la biodiversité peut accroître l’incidence de maladies zoonotiques (transmises des animaux aux humains) et réduire la disponibilité des plantes médicinales.
– Aggravation des inégalités : Les communautés dépendantes des ressources naturelles, notamment les peuples autochtones et les populations rurales, subissent des pertes disproportionnées.
Scénario de développement durable
Ce scénario implique une transition vers des pratiques de développement plus durables. Les politiques et les actions sont orientées vers la réduction de l’empreinte écologique, l’utilisation efficace des ressources, et la mise en œuvre de mesures de conservation ambitieuses. Il inclut des investissements significatifs dans les technologies vertes, l’énergie renouvelable, et des réformes économiques pour soutenir la durabilité. Les résultats escomptés sont une stabilisation voire une amélioration de la biodiversité, ainsi qu’une amélioration des services écosystémiques.
Dans ce scénario :
– Stabilisation de la biodiversité : Des politiques de conservation efficaces et des pratiques durables aident à préserver les habitats et les espèces.
– Amélioration des services écosystémiques : Les pratiques agricoles durables et la restauration des écosystèmes renforcent les services tels que la pollinisation, la qualité de l’eau, et la régulation climatique.
– Résilience accrue aux changements climatiques : Des écosystèmes plus sains contribuent à atténuer les impacts des changements climatiques et à améliorer l’adaptation.
– Equité sociale améliorée : Une distribution plus équitable des ressources et des bénéfices renforce la justice sociale et économique.
Scénario de gouvernance inclusive
Ce scénario repose sur une gouvernance renforcée et inclusive qui engage toutes les parties prenantes, y compris les communautés locales, les peuples autochtones, le secteur privé, et les gouvernements. Les politiques sont orientées vers la justice sociale, la réduction des inégalités, et la protection de la biodiversité. Les actions incluent la reconnaissance et le soutien des droits fonciers des communautés locales, et la promotion des savoirs traditionnels en matière de gestion des ressources naturelles. Les résultats incluent une conservation accrue de la biodiversité et des bénéfices partagés plus équitablement parmi les populations.
Dans ce scénario :
– Protection renforcée de la biodiversité : L’implication des communautés locales et des peuples autochtones dans la gestion des ressources naturelles améliore la conservation.
– Accès équitable aux ressources : Les droits fonciers et les bénéfices de la biodiversité sont plus équitablement répartis, réduisant les inégalités et soutenant les moyens de subsistance locaux.
– Conservation basée sur les savoirs traditionnels : L’intégration des savoirs traditionnels dans la gestion des écosystèmes favorise des pratiques durables et résilientes.
– Renforcement de la cohésion sociale : Une gouvernance inclusive favorise la participation et l’engagement communautaire, renforçant la cohésion sociale.
Scénario de transformation économique radicale
Ce scénario envisage des changements profonds dans les systèmes économiques et de production, axés sur une déconnexion entre le bien-être humain et la croissance économique traditionnelle. Les politiques et les actions visent à transformer les modèles de consommation et de production pour réduire drastiquement l’impact sur l’environnement. Cela inclut des changements systémiques dans les secteurs de l’agriculture, de l’énergie, des transports, et de l’urbanisme. Les résultats prévus sont une réduction significative de la pression sur la biodiversité et une amélioration des services écosystémiques.
Dans ce scénario :
– Réduction drastique de l’empreinte écologique : La transformation des systèmes de production et de consommation réduit significativement la pression sur les écosystèmes.
– Renforcement des services écosystémiques : Des modèles économiques centrés sur la durabilité améliorent les services écosystémiques, comme la régulation du climat et la purification de l’eau.
– Nouvelle conception du bien-être : Le bien-être humain est dissocié de la croissance économique traditionnelle, se concentrant davantage sur la qualité de vie et la durabilité.
– Changements sociétaux profonds : Des transformations économiques radicales entraînent des changements culturels et comportementaux vers des modes de vie plus durables.
Scénario de conservation accrue
Dans ce scénario, des efforts de conservation intensifs sont mis en œuvre à grande échelle. Cela inclut la création de nouvelles aires protégées, la restauration des écosystèmes dégradés, et des mesures strictes de régulation pour protéger les espèces menacées. Les politiques visent à augmenter les investissements dans la conservation et à renforcer les cadres législatifs pour la protection de l’environnement. Les résultats attendus sont une récupération substantielle des populations de nombreuses espèces et une amélioration significative des services écosystémiques.
Dans ce scénario :
– Récupération des populations d’espèces : Les efforts intensifs de conservation permettent à de nombreuses espèces de se rétablir, réduisant les risques d’extinction.
– Amélioration des habitats naturels : La création et l’expansion des aires protégées restaurent les écosystèmes dégradés et augmentent la connectivité des habitats.
– Renforcement des services écosystémiques : La restauration des écosystèmes et la protection des habitats améliorent les services tels que la régulation de l’eau, le stockage du carbone et la fertilité des sols.
– Investissements accrus dans la conservation : Des ressources financières et humaines importantes sont consacrées à la protection de l’environnement, créant des emplois verts et stimulant les économies locales.
Chute de la biodiversité et risques sur la sécurité alimentaire : Impact of climate change on biodiversity and food security: a global perspective—a review article (2021)
Abstract :
Le changement climatique est dû à des facteurs naturels et à des activités humaines. Il altère considérablement la biodiversité, la production agricole et la sécurité alimentaire. Les espèces endémiques et étroitement adaptées sont principalement en voie d’extinction. Par conséquent, les préoccupations concernant l’extinction des espèces sont justifiées, car elles fournissent de la nourriture à toutes les formes de vie et des soins de santé primaires à plus de 60 à 80 % des humains dans le monde. Néanmoins, l’impact du changement climatique sur la biodiversité et la sécurité alimentaire a été reconnu, mais peu d’études ont été menées par rapport à l’ampleur du problème à l’échelle mondiale. Par conséquent, les objectifs de cette étude sont d’identifier, d’évaluer et de synthétiser le lien entre le changement climatique, la biodiversité et la sécurité alimentaire. Des données, des modèles climatiques, des scénarios d’émission, de migration et d’extinction, ainsi que des résultats de publications précédentes ont été utilisés. En raison du changement climatique, la répartition des espèces s’est déplacée vers des altitudes plus élevées à un rythme médian de 11,0 m et 16,9 km par décennie vers des latitudes plus élevées. En conséquence, les taux d’extinction de 1103 espèces dans des scénarios de migration prévoient 21 à 23 % avec une migration illimitée et 38 à 52 % sans migration. Lorsqu’une variation environnementale se produit sur une échelle de temps plus courte que la vie de la plante, toute réponse pourrait être en termes de phénotype plastique. Cependant, la plasticité phénotypique pourrait protéger les espèces contre les effets à long terme du changement climatique. En outre, le changement climatique affecte la sécurité alimentaire, en particulier dans les communautés et les endroits qui dépendent de l’agriculture pluviale. Les cultures et les plantes ont des seuils au-delà desquels la croissance et le rendement sont compromis. En conséquence, les rendements agricoles en Afrique seulement pourraient diminuer de plus de 30 % en 2050. Par conséquent, résoudre les pénuries alimentaires en apportant des terres supplémentaires à l’agriculture et en exploitant de nouveaux stocks de poissons est une solution coûteuse, lorsque la protection de la biodiversité est une priorité. Par conséquent, la réduction du gaspillage alimentaire, l’indemnisation des personnes en situation d’insécurité alimentaire, la conservation de la biodiversité, l’utilisation efficace des ressources génétiques et les connaissances écologiques traditionnelles pourraient réduire davantage la perte de biodiversité et assurer la sécurité alimentaire dans les scénarios de changement climatique. Cependant, pour assurer la sécurité alimentaire dans un tel scénario, il faut des politiques fortes, la mise en circulation de variétés à haut rendement et résistantes au stress, le développement de structures d’irrigation résilientes au changement climatique et l’agriculture. Par conséquent, la restauration des terres dégradées, les changements d’affectation des sols, l’utilisation de la bioénergie, la gestion durable des forêts et la conservation de la biodiversité à l’échelle communautaire sont recommandés pour atténuer les impacts du changement climatique.