Interview de Lucie Oliveres, Chargée de mission chez Adrets
Fortement engagée pour la mise en place d’actions en faveur du développement local, de l’innovation sociale et de la transition écologique au sein des territoires ruraux, ses missions pour l’ADRETS s’orientent principalement dans ces directions. Lucie est rattachée à l’antenne des Alpes du Nord.

Chez Récits, nous sommes particulièrement intéressés par la redirection écologique des territoires, ce qui veut dire aussi penser de nouvelle manière de réhabiter, et de revivifier, le milieu rural. Qu’est-ce qu’apporte l’action de l’Adrets sur ce plan ?
L’ADRETS est une association regroupant des acteurs de territoire souhaitant agir ensemble et partager des ressources pour développer les services aux publics dans les territoires ruraux et de montagne des Alpes.
Dans cette optique, L’Adrets, accompagne notamment des territoires « pilotes » lors d’études-action au niveau alpin, national, voire européen, autour de stratégies et modes de faire nouveau : démarches Smart Village, essaimage en ruralité, design de services, formations ouvertes à distance….
Leur mission est aussi de former et de diffuser les outils et méthodes participatives, les processus d’intelligence collective et les dynamiques collaboratives dans la conduite de projets des collectivités, pour favoriser la co-construction de projets et des dynamiques collectives durables entre professionnels, élus, habitants.
Récits – La démarche des smarts villages nous apparaît particulièrement intéressante. Pouvez-vous expliquer ce qu’est un « smart village » ?

« Smart » traduit une attitude des acteurs locaux pour agir face aux enjeux actuels et à venir de la ruralité (dématérialisation des services publics, retrait des services de proximité, vieillissement de la population, nouvelles manières de consommer et de produire…).
Les exemples français se revendiquant « Smart Villages», « Villages du futur » ou « Territoires intelligents » fleurissent, et la question se pose de savoir comment et si l’approche « Smart » constitue au-delà de l’effet de mode, un levier pour renouveler les pratiques de développement rural, pour répondre concrètement aux multiples défis des territoires, et pour fédérer une communauté agissante vers un avenir souhaitable.

Récits – Concrètement, il y a une utilisation intelligente du numérique (mais pas que…) au niveau de communautés rurales, pour accroître la résilience en renforçant les liens coopératifs, d’entraide ?
Oui, les villages intelligents peuvent aussi mettre en place des alliances avec d’autres communautés et acteurs de territoires ruraux et urbains. Mais le terme “intelligent” ne renvoie pas simplement à un usage de solutions numériques, il implique également de coopérer et de créer des alliances, le numérique reste un outil pour générer de nouvelles coopérations. Les buts sont l’amélioration de la qualité de vie des habitants (avec plus de services), la création des conditions pour assurer la participation du plus grand nombre aux décisions et actions de la vie locale, une meilleure gestion des ressources locales – et la captation des énergies renouvelables – , la gestion intelligente de l’éclairage et du chauffage, la relocalisation d’activités économiques (circuits-courts, pôles de coopération économiques, filières d’artisanat…), l’amélioration des mobilités (douces, transports à la demande, co-voiturage, autopartage…). Au final, c’est vraiment refaire communauté !
Récits – Des exemples d’initiatives ?
Nous en citerons deux : le « lab3i », laboratoire territorial Alpin qui vise à traiter de trois problématiques majeures autour de l’Illettrisme, de l’Illectronisme, de l’Itinérance. Il se situe sur trois territoires : le territoire du Champsaur Valgaudemar, celui du Briançonnais Ecrins et celui de la Vallée de l’Ubaye Serre Ponçon. Le lab3i a permis la mise en œuvre d’actions très variées : des ateliers lecture en partage dans les Ecrins, des ateliers autour de la cuisine, créatrice de rencontres, d’échanges culturels et d’apprentissages ou encore la création d’une Maison des Services aux publics sur Champsaur Valgaudemar, qui œuvre en direction de population locale et saisonnière afin de lever les freins, d’accès aux droits et aux services (avec des permanences sur trois communes).… L’Espace France Services de L’Argentière-La Bessée et la MJC Centre social de Briançon ont été identifiés comme des portes d’entrée pour faciliter l’accès aux droits, la découverte des démarches en ligne et l’accompagnement à l’autonomie, notamment vers les personnes d’origine étrangère, les personnes âgées et les personnes isolées.
Et puis nous avons la solidarité des 4 rives. Depuis mai 2022, l’ADRETS mène en tant que prestataire une étude préalable à la mise en oeuvre de solutions de mobilité solidaire pour huit communes de la Moyenne Durance (Alpes-de-Haute-Provence). Ces communes ont répondu conjointement à un appel à projets de la Fondation Macif, dont elles sont donc lauréates. Leur projet se décline en trois phases :
-phase d’étude et d’état des lieux (celle pour laquelle l’ADRETS intervient)
– phase d’action et de mise en oeuvre d’une ou plusieurs solutions de mobilité au sein d’une partie ou de la totalité des huit communes,
– phase d’essaimage à l’ensemble de la communauté d’agglomération de laquelle 7 des 8 communes sont membres.
L’accompagnement de l’ADRETS s’est décliné en plusieurs étapes :
- Récolte de données quantitatives sur le territoire (socio-économiques, socio-démographiques…),
- récolte de données qualitatives : un questionnaire a été créé et diffusé auprès de la population, des rencontres auprès des partenaires du territoire ainsi que des micro-trottoirs habitants ont été réalisés.
Ces deux temps de récolte de données ont permis d’identifier des axes clés du territoire, notamment un usage prépondérant de la voiture individuel (avec une forte pratique d’autosolisme), mais aussi des habitants/partenaires prêts à mobiliser de nouvelles mobilités (vélo, covoiturage solidaire, autostop…), pour peu qu’il soit accompagné et soutenu par les collectivités, notamment en terme de visiblité (accès à l’information, communication auprès des habitants).
Les communes membres de l’étude ont pu identifié un scénario à prioriser et cinq fiches actions détaillées ont été réalisés (investissement dans du mobilier urbain vélo et auto-stop, mise en place d’un agent de convivialité pour les personnes âgées, extension d’une navette communale aux communes alentours, guichet de la mobilité, repérage des itinéraires vélo « bis »).
Ces fiches actions détaillées donnent des clés concrètes (mis en oeuvre, financement mobilisable, budget prévisionnel…) pour que les communes puissent les déployer le plus aisément possible.
La mission de l’ADRETS s’arrête à cette étape, les communes vont identifier leur plan d’action/ prochains pas à réaliser. Nous les avons également invité à communiquer auprès de la population sur l’étude et, surtout, sur les actions concrètes qui allaient en découler.
Récits – Merci à vous, et bienvenue dans notre (encore modeste) réseau des réseaux !