Les fermes partagées

Céline Riolo, co-directrice des fermes partagées a eu la gentillesse de répondre aux questions de Récits. Elle nous présente cette coopérative.

L’enjeu d’une complète transformation de notre « modèle » agricole est, selon nous, un enjeu majeur et urgent et c’est pourquoi nous tenions à faire cet article dans notre premier numéro !

RECITs – Quelle est la démarche de « Fermes partagées » ?

Céline – Au départ, il y avait la volonté du GRAP (le Groupement Régional Alimentaire de Proximité) de proposer un accompagnement en direction des fermes biologiques, de ne pas nous contenter du volet « distribution ». Le GRAP existe depuis 2012. L’idée de « fermes partagées » existe depuis le début et a été mise en attente,  en raison du développement important du GRAP et le besoin de prioriser. Mais les associés ont remis l’idée au goût du jour en 2018 en approuvant un projet d’essaimage dans le secteur agricole.

Un collectif s’est alors progressivement formé et constitué par  six acteurs coopératifs de la production agricoleet du secteur alimentaire biologique de la région Auvergne Rhône-Alpes. Ce collectif est représenté par deux acteurs de l’aval de la filière : le Grap et La Carline (épicerie Bio historique à Die) et trois fermes coopératives historiques et pionnières : La Scop Fermes de ChalonneLa Scop Les Volonteux et la Scic La clé des sables ainsi qu’une CAE Agricole d’Ile de France : Le Champs des Possibles. Ce collectif se dédie à l’accompagnement et à l’outillage des fermes collectives et coopératives. Pendant ces deux petites années d’incubation du projet au sein du Grap (et trois changements de noms !), les premiers salariés sont recrutés en 2020 et la SCIC Les Fermes Partagées est officiellement créée en août 2021.

Recits – Mais quelle est philosophie du projet ? Ses objectifs ?

Céline – L’enjeu est énorme. Il y a déjà un important problème démographique : à l’horizon 2026 – donc, demain – c’est 36 % des exploitants agricoles qui auront dépassé l’âge de la retraite ! Et puis le mouvement de concentration des terres que nous connaissons depuis des décennies, avec la financiarisation et le modèle des fermes usines, aboutit à l’existence de vastes exploitations d’agriculture intensive, avec des dizaines d’hectares, et des prix de vente (un demi, un million d’euros…) hors de portée de toutes les personnes qui veulent s’installer. En sachant par ailleurs que les rémunérations vont généralement se situer, en moyenne, aux alentours de 70 % du SMIC ! Et pour finir, l’hyper spécialisation des territoires, les monocultures, l’absence de haies, etc, représente un désastre écologique qui nous emmène dans le mur. Si l’on rajoute les impacts inévitables du dérèglement climatique, des techniques culturales destructrices des sols, tout cela représente une menace bien réelle sur notre sécurité alimentaire.

RécitsLes fermes partagées ciblent donc des modèles collectifs de productions agroécologiques ?

CR – Oui, absolument. C’est à la fois une forme de réponse aux enjeux du système agricole et aux évolutions des attentes et des profils des candidat.es à l’installation. Les techniques culturales de l’agroécologie permettent à termes de régénérer les sols. Le cadre collectif rassure et sécurise les parcours des nouveaux venus. En fait, c’est un processus de déconcentration des terres en permettant à plusieurs personnes ou familles de reprendre ces grandes exploitations et d’y développer d’autres rapports sociaux, une mutualisation des outils, etc.

Reprendre des fermes, collectivement, pour en faire aussi des lieux pas seulement agricoles mais ouverts aussi à d’autres activités (artisanales, culturelles) nous semble être une réponse efficace et enthousiasmante. Sur ce point, par exemple, les Volonteux ont aussi une épicerie, une friperie. La ferme de Chalonne développe une activité pédagogique. La Clé des sables dispose d’un lieu culturel. Et puis, la notion de coopérative, c’est retrouver du commun, dans une perspective de long terme.  En cas de conflit par exemple et si l’un des coopérateurs s’en va, la coopérative demeure et se renouvelle. Ce peut être une différence d’avec un Gaec.

Récits – Pratiquement, comment se déroulent les accompagnements ?

CR– Par le commencement  J , avec l’accueil d’un collectif (nous ne faisons pas directement de mises en relation, mais il existe des cafés installation / transmission organisés par l’ADDEAR et le réseau des Amap). Pour donner une idée, nous avons une quinzaine de collectifs, orientés spécifiquement coopératives, en accompagnement sur la région. Nous sommes aussi CAE (coopératives d’activités et d’emploi), pour accueillir et porter des entrepreneurs individuels ou des micro-collectifs (ce qui leur permet de tester leur projet). Nous accompagnons aussi si le  projet collectif n’aboutit pas immédiatement sous sa forme coopérative, car la SCOP et la SCIC ne sont pas (encore) reconnues par le secteur agricole – et ne permettent pas l’accès à certaines aides.

Les collectifs sont accompagnés et guidés pour élaborer plus précisément leur projet, leur raison d’être, leur mode de fonctionnement, leur modèle économique, prévisionnel, jusqu’aux méthodes de gestion des conflits. Mais l’accompagnement ne s’arrête pas à la création. Il se poursuit après sur le long terme en devenant des fermes associées de notre SCIC « Les Fermes Partagées ».

Récits – Merci Céline ! Nous ne manquerons pas de relayer vos infos !

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