Lucille Paulet est architecte géographe et responsable de projets à Robins des villes. Elle nous présente les objectifs et l’actualité de cette association qui vise à transformer notre cadre de vie, pour une ville partagée, écologique, agréable et accessible à tous .tes.

Récits – Lucille, est-ce que tu peux tout d’abord nous rappeler comment est né « Robins des villes » et quelles ont été les motivations ?
Lucille – « Robins des villes » naît à Lyon en 1997. Ce sont des étudiants en archi qui souhaitaient se mobiliser pour redonner la parole à celles et ceux qui l’avaient trop peu (d’où le clin d’œil à « Robin »). Comme la ville est un enjeu fondamental de démocratie et qu’elle doit impérativement se reconfigurer profondément pour devenir résiliente (au maximum) face au dérèglement climatique, il s’agissait de porter des projets pour renforcer les dynamiques d’émancipation et le pouvoir d’Agir (par l’action collective) des habitant.es – Citoyen.nes. Un axe social va être transversal à l’ensemble de ces actions : la défense du droit à la ville, la lutte contre les inégalités, les exclusions, la spéculation immobilière et la privatisation de la ville…
Récits – Concrètement, cela se traduit comment dans vos pratiques ?
Nous allons avoir une pratique d’éducation populaire. L’association va s’adresser tout autant aux professionnels de l’urbain (architectes, urbanistes, bailleurs sociaux…) qu’à ceux de l’éducation (enseignant.es, animateurs/trices périscolaires…). Elle va aussi travailler en partenariat avec le GRAINE, pour le déploiement de formations (Apprendre à créer des outils pédagogiques différents, porter un regard psychosocial sur les changements de comportements, créer ou consolider un jardin partagées et moult autres thèmes !).

Récits – A Récits, nous aimons bien avoir des exemples très précis et très concrets des actions menées ?
Oui, Robins des Villes va entreprendre des actions très concrètes ! On peut citer plusieurs choses. Il y a les balades urbaines et marches exploratoires, des actions d’accompagnement de professionnels ou d’élu.es à des programmes de transformation urbaine, des missions de prospectives territoriales. Il y a aussi des actions de concertations pour transformer les cours d’écoles.
En 2020, nous avons mené la concertation au sein du groupe scolaire La Sauvagère (Lyon 9ème) en tant que projet pilote de végétalisation de la cour par la Ville de Lyon.
Depuis 2021, nous avons en charge de mener à bien les concertations dans les cours priorisées du 7ème et 8ème arrondissement (deux autres prestataires, à savoir Atelier Pop Corn et Réciprocité s’occupent des autres arrondissements). Nous travaillons en groupement avec Atelier Minga et la FNE Rhône.
Récits – Comment cela se passe-t-il ?
La spécificité de la méthode employée est non seulement de faire porter la concertation par les enfants (maternelles et élémentaires), mais également d’en faire des temps pédagogiques inscrits dans leur cycle d’apprentissage. Nous travaillons par ailleurs avec l’ensemble des adultes usager•ères des cours (équipe enseignante, agent•es, directions, etc.). C’est l’occasion de redéfinir ces espaces selon 3 grandes orientations : d’abord, une cour qui s’adapte aux effets du réchauffement climatique et de l’activité humaine, ensuite, une cour où chacun•e trouve sa place : égalité et partage de l’espace entre filles, garçons, élémentaires et maternelles ; et enfin une cour où différents usages sont possibles : courir, se reposer, grimper, se cacher, jouer seul ou à plusieurs, etc.
Récits – Il y a d’autres projets ?
Oui, bien sûr , il y a le projet « Collèges pour l’égalité ». L’objectif du projet est d’introduire avec les élèves des réflexions sur les différences de genre dans la pratique de l’espace urbain à travers une série d’outils ludiques (cartes mentales, photo-langage, carte participative, collages, balade urbaine). Le premier atelier permet d’interroger les stéréotypes de genre, notamment par de l’analyse de publicités sexistes puis par des séances de théâtre forum, au cours desquels les élèves jouent des situations d’oppression vécues ou non (harcèlement de rue, orientation professionnelle subie, dévalorisation lors des cours d’EPS…).
Le deuxième atelier aborde, par les cartes sensibles, l’organisation de la cour de récréation en fonction du genre et de l’âge des élèves, en vue d’y révéler les règles tacites qui la régissent. Enfin, une balade urbaine dans le quartier est organisée par les élèves ayant pour vocation d’explorer le territoire en questionnant la place des garçons et des filles dans des aménagements de proximité (stade de sport, aires de jeux, etc.). La dernière séance peut être l’occasion d’explorer les transformations possibles de la cour de récréation pour la rendre plus mixte, plus riche en termes d’usages et plus agréable pour tous.tes.
Il y aussi le projet « journée ville participative ». C’est un événement proposé dans le cadre des Journées Nationales de l’Architecture et considéré comme un rendez-vous régulier des acteur•rices de la ville. Ces journées créatives et ludiques sont donc conçues comme des fenêtres ouvertes sur des réflexions actuelles autour des politiques publiques urbaines. Les villes évoluent au regard de la société qui les pratique : elles reflètent les nouvelles orientations prises trop souvent par une minorité de décideur•ses. Il est donc plus que nécessaire de créer des moments privilégiés, échappant aux réalités quotidiennes, économiques ou politiques, ouverts à tous•tes, pour prendre un peu de recul sur la fabrique urbaine dans sa globalité.
En 2021, nous avons questionné plus particulièrement la place des adolescent•es dans la fabrique de la ville. En 2022, nous avons réfléchi sur la notion de restitution de la parole habitante… sans la trahir.
En 2023, nous nous pencherons plus spécifiquement sur la ville utopique !
Récits – Merci à toi, et bienvenue dans le réseau !