Les Localos… Pour une démocratie locale réinventée et transformatrice

Nous avons le grand plaisir de vous présenter une association qui nous tient à cœur : celle des « Localos ». Dans les prochains numéros, nous ne manquerons pas de publier d’autres informations sur l’activité des Localos (plusieurs projets étant actuellement sur le feu !).

L’association nationale Les Localos rassemble depuis 2016 une centaine d’actrices et d’acteurs pluridisciplinaires du développement local, dans le but de relier, accompagner et inspirer des projets de territoires ruraux autour de la transition écologique et sociale.

Mue par un projet associatif qui se structure autour d’une « utopie concrète », celle de faire émerger et de co-construire démocratiquement un autre système que celui dominant, l’association construit et propose des outils d’éduc pop tel que la Nuit de la démocratie et des territoires et initie des démarches expérimentales pour faire émerger des « coopératives intégrées de territoires ».S’il existe ici et là des démarches de coopération telle celle des Pôles Territoriaux de Coopération Économique, la volonté est bien de co-construire les bases d’un autre système sociétal. Pour mener localement ces démarches, l’association souhaite accompagner la création de Comités Locaux de Transition.

Ces « CLAT » puisent leurs origines dans les expérimentations qui ont lieu depuis une dizaine d’années pour améliorer l’hospitalité et l’accueil dans des communes rurales en Beaujolais, en Lozère, en Aveyron, en Creuse ou encore en Haute-Vienne. De l’accueil à la transition, l’objectif reste le même, celui de co-construire démocratiquement des milieux de vie fertiles pour les humains et les autres qu’humains.

La montée en conscience de l’effritement pour ne pas dire de l’effondrement du monde et de son système dominant et structurant gagne chaque jour. Chaque jour, des voix scientifiques s’élèvent pour tenter de convaincre et de nous sortir de l’anesthésie.

Le capitalisme est mort où est sur le point de mourir. Tout simplement parce qu’il arrive au point d’épuisement d’un de ses moteurs qui l’a fait Roi : l’exploitation des ressources naturelles et des énergies fossiles. Et s’il reste encore son second moteur, les humains, beaucoup d’humains, les inégalités sociales conjuguées aux drames liés au réchauffement climatique et à l’effondrement de la biodiversité noircissent sacrément son horizon. Trois minuscules siècles auront suffi à déstabiliser l’équilibre du système-Terre et mettre en péril cette « zone critique » telle que définie par Bruno Latour.

Un peu partout au niveau national comme international, émergent des initiatives locales de luttes, de résistances, de réorganisations menées par des collectifs d’habitant.es, des élu.es, des citoyens. Bien-sûr, ils ne font pas et ne peuvent pas faire système, encore, tant l’emprise des Etats et des politiques structurantes favorables aux économies capitalistes et extractivistes pèsent sur leur modèle et les fragilisent. Néanmoins, il se passe des choses… Ce nouvel élan de « développement local » pour une redirection écologique et sociale, est un signal, de moins en moins faible, de cette volonté de se rebeller face à la disparition d’unmonde habitable pour les humains et pour le vivant.Ces initiatives, minuscules face aux immenses défis de l’impérieuse sortie de l’Anthropocèneou du Capitalocène, ont le mérite de se donner de la joie,de se faire du bien et de viser un mieux-vivre dans des petits périmètres, là où les forces locales peuvent agir. (Re)construire l’habitabilité des territoires du vivant, tel pourrait être le slogan et la visée !

Pour autant, la nécessité de changer nos imaginaires, de nous décoloniser d’une culture mettant l’humanité hors-sol et hors-nature, de sortir d’une pensée industrielle uniformisante et aliénante ne se décrète pas. Elle s’infuse, elle s’apprend, de manière collective, par et pour le plus grand nombre et nécessite un temps long. Temps qui presse manifestement. Chronos n’est pas l’allié de la nouvelle classe écologique !

Pour tout cela, et de manière humble et modeste, les Localos ont fait alliance avec d’autres réseaux ou structures (La Traverse, TELA, l’ADAR-Civam 36, la Péniche d’abord, la commune de Saint-Paterne-Racan…) pour explorer la création de nouvelles forces locales capables de transformations. Car ne nous n’y trompons pas, le développement local (nous pourrions le renommer par l’épanouissement local) n’est pas autre chose qu’une force de transformation du monde. C’est le local plus le local plus le local qui fait monde et non l’inverse.

Cette exploration (expérimentation) souhaite s’appuyer sur la conception de systèmes alternatifs locaux appelés « coopératives intégrées de territoires », construits et animés par des Comités Locaux de Transition (CLAT), organisés au niveau communal, au plus près où vivent les personnes.

Ces Comités sont des regroupements d’habitant.es, élu.es et non élu.es, qui se chargent de répondre à des questions qu’on ne leur a pas posées : qu’est-ce que nous ne voulons plus vivre dans notre commune, sur notre territoire ?Qu’est-ce que nous voulons vivre ? Qu’est-ce que la transition et en quoi elle est désirable, plus juste pour les humains et les non-humains et comment se mettre en mouvement ? Quels sont les alliances possibles autour du vivant et avec le vivant pour permettre un avenir pour le plus grand nombre ?

Ces Comités locaux de Transition ne peuvent être qu’apprenants dans ces bouleversements et renversements de paradigmes en jeu (comme nous-mêmes, tous vecteurs de la culture qui a enfanté le Capitalocène…).

Ces CLAT doivent éprouver la démocratie et la réinventer quasi au quotidien. Pour la faire vivre et respirer. Sinon la démocratie n’est qu’au mieux une norme, un « truc » qui peut vite disparaître et échapper. Car oui, l’enjeu démocratique est immense et nous pensons que la transition ne pourra se faire sans la mobilisation pleine et entière des citoyens, à partir de là où nous vivons et avec tous ces petits peuples avec qui nous cohabitons (le vivant).

Nous avons l’intuition qu’il nous faudra inventer d’autres vocabulaires, une autre grammaire comme le dit Jo Spiegel, pour redéfinir ces notions de citoyenneté et de démocratie. Notre démocratie est mince et fragile et nos institutions sont vieilles, inadaptées aux enjeux majeurs de la redirection écologique et sociale. Nous héritons d’une administration et d’une vision du pouvoir d’un autre monde. D’un monde qui aujourd’hui chavire. Pour que la mue civilisationnelle, chère à Edgard Morin, puisse advenir, il serait tant de repenser, de transformer nos organisations. Nous ne sommes plus en face des mêmes idéaux de Progrès et la redirection écologique et sociale est une bonne nouvelle pour le plus grand nombre d’entre nous.

Ces CLAT, qui ne seront pas des conseils municipaux bis et qui expérimentent de nouveaux périmètres démocratiques, voire de citoyenneté, pourront se donner cette magnifique ambition : passer de la démocratie à la « Biocratie », passer du Parlement des humains au Parlement du vivant.

Portées par des réseaux et des territoires, La Traverse, TELA, Saint-Paterne-Racan, l’ADAR-Civam 36, la Péniche d’abord… ces démarches visent à explorer une autre manière de produire des valeurs, de mieux cohabiter entre humains et autres qu’humains et de réinventer une démocratie locale capable de mener une redirection écologique et sociale.

En réencastrant l’économie locale dans l’écologie, en limitant démocratiquement les profits pour revenir à la vocation première des entreprises (répondre aux besoins fondamentaux des humains), en réinventant des systèmes locaux de solidarités, en ouvrant les imaginaires pour une autre culture et alliance au vivant, ces coopératives intégrées, reliées entre elles, offriraient d’autres horizons que ceux de l’exploitation et de la croissance « quoiqu’il en coûte ». S’il existe ici et là des démarches de coopération telle celle des Pôles Territoriaux de Coopération Economique, la volonté est bien de co-construire les bases d’un autre système. Tout un programme. Mais un programme joyeux !

Jean-Yves Pineau

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