Greenwashing : la nouvelle mode du « régénératif »

Un très bon article dans Novethic nous invite à la plus grande prudence sur les nouveaux discours autour du « régénératif » : « De plus en plus d’entreprises s’engagent sur le terrain du “régénératif” et du “nature positif” notamment en matière de politiques de biodiversité. En pleine COP16, Véronique Dham, experte française auprès de l’IPBES (le Giec de la biodiversité) et fondatrice de Biodiv’Corp rappelle dans une tribune pour Novethic que la prudence est de mise avec ces concepts qui flirtent parfois avec le greenwashing ».

La vague “régénérative” se décline à l’envie : économie régénérative, entreprise régénérative, agriculture régénératrice, matériaux de régénération, voiture régénérative, énergie régénérative… Dans la même veine, l’expression Nature positive fait aussi son chemin. En 2021, les dirigeants du G7 ont affirmé vouloir un monde qui soit “positif pour la nature”. Et la thématique a gagné en popularité chez les entreprises depuis la COP15.

Pour Véronique Dham, «En l’absence d’un cadre clair et unanime pour définir ces nouveaux concepts, chacun y va de sa propre définition : en gros, l’entreprise régénérative voudrait réduire ses impacts négatifs sur le vivant mais aussi transformer son modèle d’affaires de manière à créer des impacts positifs quand l’entreprise nature positive créerait plus de nature qu’elle n’en détruirait ».

Mais ce qui devrait toutes et tous nous interroger, c’est cette prétendue capacité à régénérer… ce que nous aurions… consciencieusement ravagé !

Le cadre mondial pour la biodiversité de Kunming – Montréal (COP15), qui fixe la feuille de route pour la biodiversité à horizon 2050, demande de “prendre des mesures urgentes visant à faire cesser et inverser la perte de biodiversité afin de promouvoir le rétablissement de la nature (…)”. Il n’y est nullement question de régénération tant il est hasardeux de prétendre pouvoir régénérer la biodiversité. Il est juste demandé aux entreprises de réduire leurs pressions et de participer au rétablissement des écosystèmes afin de leur garantir les conditions nécessaires à leur régénération.

Pour nombre d’entreprises, parler du régénératif, permet surtout de sauter la case « éviter de détruire ». Détruire n’est plus un problème, puisque l’on va, aussitôt et magiquement, réparer (et même faire mieux que la nature ?). C’est la logique des nouveaux crédits biodiversité (sur le même principe, mais en pire, que les crédits carbone).

Illustration de la « Harvard Business Review », illustrant la « philosophie » de l’économie régénérative ! Nous pouvons y lire qu’avec les enjeux de « développement durable » : « De nouvelles opportunités apparaissent pour donner un nouveau souffle à nos organisations autour des 3P « People, Profit, Planet » (sic !).
Tout est dit !

Si V. Dahm ne semble pas vouloir rejeter en bloc le concept, elle invite à avoir une réelle vision 360  en agissant sur l’ensemble de sa « chaîne de valeur » et souligne que « pour ne pas tomber dans ce miroir aux alouettes, il est fondamental de mesurer et communiquer les résultats des mesures dites “régénératives”. 

Une vision sans doute encore trop naïve, car sur le fond, le vocable « économie régénérative » vient tout simplement remplacer celui de « croissance verte », totalement essoré. Pour les armadas de consultants et de la RSE, c’est surtout, une nouvelle fois, le syndrome Lampedusa qui est à l’œuvre : « il faut que tout change, pour que rien ne change » !

Régis Dauxois, Décembre 2024

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