Problématique du Réensauvagement

Retour au menu


Le delta de la rivière Rapa, Parc national de Sarek, Laponie, Suède. © Staffan Widstrand / Rewilding Europe

L’ESSENTIEL

« Rendre des territoires à la Nature »

Apparu aux Etats-Unis au milieu des années 1990, ce mode de protection a émergé sur le Vieux Continent au début des années 2000. Aujourd’hui, de nombreux projets s’en réclament, dont soixante-six, répartis sur vingt-sept pays européens, sont fédérés sous la bannière de l’ONG Rewilding Europe.

Créée en 2011 aux Pays-Bas, cette organisation intervient directement dans huit zones : le sud des Carpates, en Roumanie, par exemple, où elle participe à la réintroduction de bisons ; ou encore la vallée de Côa, au Portugal, territoire où elle prévoit d’aménager un corridor de 120 000 hectares permettant à la faune sauvage (dont le lynx et le loup ibérique) de circuler entre la vallée du Douro et la réserve naturelle de la Serra da Malcata.

En France, nous avons déjà cité l’AFPAS, mais nous pouvons également mentionner : Forêts Sauvages et l’association Francis Hallé pour la forêt primaire (avec un projet forêt primaire de 70 000 hectares en Europe).

Le réensauvagement : une problématique complexe

Le rôle de l’humain dans ce processus fait doublement débat : dans quelle mesure doit-il agir sur un écosystème pour y rétablir une vie sauvage ­autonome ? Doit-il ensuite sanctuariser celle-ci ?

Concrètement, les vastes espaces de Rewilding Europe sont composés d’un « cœur », où toute exploitation humaine est interdite, puis d’une « zone tampon », où les activités humaines les plus néfastes sur le milieu font l’objet d’un retrait progressif, et enfin d’une « zone de transition », où certaines formes d’exploitation sont autorisées (agriculture biologique, chasse – pour l’instant ! – , exploitation durable du bois).

Pas question ici de simplement « mettre sous cloche » un écosystème, mais plutôt d’articuler un milieu sous haute ­protection avec une présence humaine environnante

Mais quel est le point de référence auquel on souhaite faire aboutir l’écosystème ? Un passé préhumain ? Un futur dans lequel l’écosystème serait plus résilient au réchauffement climatique à venir ? Ou pas de point de référence du tout ? Ensuite, quel est le niveau d’interventionnisme humain mis en œuvre ? Une libre évolution sans ­réintroduction d’espèces ni suppression d’infrastructures humaines, ou la création d’un milieu différent, impliquant de multiples réintroductions ?

Tirer les leçons des échecs

Cet interventionnisme humain et les méthodes employées par la conservation peuvent provoquer des dilemmes éthiques qui tournent à la polémique nationale, comme le montre l’expérience de la réserve ­d’Oostvaardersplassen (OVP), aux Pays-Bas. Sur cet ancien polder de 6 000 hectares transformé en réserve, des aurochs de ­Heck et des chevaux Konik – des espèces proches des anciens aurochs et chevaux sauvages – ont été réintroduits depuis les années 1980. Sauf que la réserve est trop petite pour y ­réintroduire des loups et trop isolée pour que les animaux puissent migrer dans d’autres réserves via des corridors. Si bien que les herbivores se sont multipliés… jusqu’à ce que 3 000 d’entre eux meurent de faim lors de l’hiver 2017-2018, particulièrement rude. Confrontées à la colère de nombreux Néerlandais, les autorités ont depuis autorisé des abattages préventifs pour éviter aux animaux de souffrir.

« Cet échec d’OVP illustre comment la façon dont on a construit notre souci des animaux domestiques nous a désarmé éthiquement face à la violence de la vie sauvage et à sa dynamique intrinsèquement débordante, estime ­Virginie Maris*. Pour autant, on ne peut pas évacuer la question du bien-être animal comme si l’on n’avait pas agi sur l’écosystème, car c’est bien l’humain qui a créé ce piège. »

* Virginie ­Maris est chercheuse au CNRS. Elle travaille au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE – UMR 5175) à Montpellier en philosophie de l’environnement. Ses travaux portent principalement sur la protection de la nature.)

En Roumanie, le retour du bison a des impacts positifs pour la biodiversité et le climat (La relève et la peste, Août 2024)

En Roumanie, le bison a été peu à peu réintroduit depuis 2014 après deux siècles de disparition. Aujourd’hui, une horde de 170 bisons évoluent librement dans les Carpates roumaines et régénèrent les écosystèmes. Ils contribuent à la croissance des plantes et permettent de stocker du carbone dans les sols.

Disparu de Roumanie il y a plus de 200 ans, le bison d’Europe a été réintroduit par Rewilding Europe et WWF Roumanie dans les montagnes des Carpates du Sud en 2014. Depuis, la horde a atteint le nombre de 170 animaux, faisant d’elle l’une des plus grandes populations de bisons en liberté d’Europe.
Des chercheurs se sont penchés sur l’impact du retour de ce grand herbivore dans les Carpates roumaines, et leurs résultats sont extrêmement positifs. L’implication des communautés locales dans le processus a permis d’insuffler un nouveau souffle à la région en offrant aux habitants de nouvelles opportunités pour une économie basée sur la nature.

Lire l’article

Protégeons les loups ! (Dossier Récits de l’Anthropocène, Juillet 2023)

La polémique fait rage sur la « réintroduction » du loup. Il ne se passe pas une semaine sans un article concernant une attaque de troupeau. Le 7 juin, c’était encore quatre brebis qui étaient tuées sur une exploitation de Montlainsia dans le Jura. (…) L’immonde bête est donc de retour et va ruiner notre si belle civilisation et même nos efforts de transition écologique, telle est la musique entendue ! Que d’aveuglement dans ces propos, que de désinformation ! Ou de parfaite mauvaise foi ? Précisons déjà, que pour l’heure, rien ne prouve encore que l’attaque qui a déclenché l’ire de la chambre d’agriculture, soit l’œuvre de loups. Ensuite, ce haro illustre parfaitement une méconnaissance profondément ancrée sur ce qu’est la biodiversité, les écosystèmes et sur ce que peut et doit être la place des loups. Il serait temps de rétablir quelques vérités. C’est l’objet de ce dossier.

Lire le dossier

Laisser un commentaire